Fact-checkons la littérature

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(A la suite de la publication de l’enquête du Nouvel Obs sur la réception du roman d’Edouard Louis dans son village picard d’origine, qui a suscité une réponse vive et justifiée de l’auteur, ainsi que de Didier Eribon, j’ai décidé, moi aussi, de fact-checker quelques oeuvres littéraires, pour voir). 

From : moi 

To : jean.homais@noos.fr

« Cher Monsieur Homais. Je vous écris car je tenais à m’assurer si, comme l’affirme Gustave Flaubert, c’est bien vous qui  avez donné la fiole de poison à Emma Bovary. Merci de votre réponse. Bien cordialement ».

From : moi 

To : gustave.flaubert@caramail.fr

Cher Gustave Flaubert. Vous avez récemment affirmé qu’« Emma Bovary, c’est moi », et je tenais à vérifier cette assertion, laquelle, dans un contexte politique délicat (comme vous le savez, les défenseurs et les adversaires de la dite « théorie du genre » se livrent ces temps-ci une féroce bataille), ferait sens si elle était totalement assumée. Je tiens à vous assurer que nous pourrions vous ouvrir nos colonnes à cet effet, pour l’écriture d’une tribune par exemple. Je me tiens à votre disposition pour échanger autour des modalités de la chose. Respectueusement ».

From : moi 

To : victor_Ugo@gmail.com 

« Cher Victor Hugo. J’ai lu avec attention votre Dernier jour d’un condamné, ce magnifique plaidoyer humaniste, qui m’a fortement émue. Cependant je m’interroge sur l’identité de ce fameux condamné à mort, dont vous ne livrez jamais le nom dans le livre. Est-ce par peur des représailles ? Pour protéger sa famille ? Pour éviter des ennuis avec certains représentants politiques (je pense notamment au duc de Morny) ? Merci de votre réponse. Mes hommages les plus sincères ».

From : moi 

To : konstantin.levine@gmail.ru

« Cher Constantin Levine,

J’ai lu avec beaucoup d’attention le roman « Anna Karenine », où vous figurez en bonne place (est-ce lié à une accointance particulière avec l’auteur ? Fréquentez-vous les mêmes réseaux ?). J’aimerais pouvoir rencontrer, si jamais vous aviez quelque information à ce sujet, le conducteur du train sous lequel elle s’est jetée, à la fin. Je n’arrive pas à retrouver sa trace, or j’aimerais savoir s’il se sent responsable ou non de cette mort tragique, et si oui, comment composer avec ce fort sentiment de culpabilité. Merci de votre aide. Bien à vous ».

From : moi

To : julesrenard@voila.fr

Cher Jules Renard,

Ayant lu avec attention votre ouvrage autobiographique « Poil de carotte », je tenais à vous solliciter dans le cadre d’un dossier que nous préparons sur les pervers narcissiques. Il me semble désormais évident que votre mère, dépeinte dans le livre comme Madame Lepic, est atteinte de cette pathologie (comme beaucoup de Français d’ailleurs), et c’est en tant que victime que je souhaite vous faire témoigner. Ce dossier fera la couverture de notre magazine car le sujet est d’envergure. N’hésitez pas à me contacter pour plus de détails. Cordialement ».

From : moi 

To : jjrousseau@me.com 

« Bonjour Jean-Jacques Rousseau,

En villégiature en Suisse, j’ai rencontré la charmante Mademoiselle Lambercier, qui exprime les plus vifs regrets de vous avoir administré une fessée mémorable lorsque vous étiez enfant. Travaillant actuellement autour d’une enquête sur la maltraitrance infantile, je souhaitais savoir si vous envisagiez une poursuite judiciaire, et si c’était le cas, peut-être accepteriez-vous d’en parler avec moi. Merci de me lire, et très respectueusement ».

From : moi

To : bobstevenson@yahoo.co.uk 

Bonjour Robert Louis Stevenson,

Grande lectrice de vos ouvrages, quelle ne fut pas ma surprise de constater, après la lecture de votre passionnant (et effrayant!) L’Etrange cas du Dr Jekyll & de Mr Hyde, que l’état civil britannique reconnait uniquement le patronyme d’Henry Jekyll. J’ai cherché pendant des heures le nom d’Edward Hyde, sans jamais en trouver une seule occurrence, que ce soit dans les registres de l’Etat civil, ou dans d’autres strates de l’administration de Sa Majesté. Je me vois contrainte de vous signifier que votre ouvrage est mensonger, d’autant qu’après vérification auprès d’éminents scientifiques, la transformation physique dont vous faites état est parfaitement impossible. Vous comprendrez donc que je suis au regret de cesser de vous lire. Bien à vous ».